La réinsertion professionnelle par l’agro-écologie : prendre soin de l’humain et de la nature

A l’Etablissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT) de l’association les Hardys-Béhélec, l’agriculture occupe une place centrale dans la réinsertion socio-professionnelle de personnes en situation d’handicap psychique.

Association "Hommes de Terre"
Concilier respect de l'humain et de l'environnement en agriculture

A l’Etablissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT) de l’association les Hardys-Béhélec, l’agriculture occupe une place centrale dans la réinsertion socio-professionnelle de personnes en situation d’handicap psychique. Coordinateurs et encadrants veillent en premier lieu au bien-être des personnes accompagnées – la bienveillance et l’écoute étant les maîtres mots à l’ESAT – et au bon fonctionnement des divers ateliers professionnels.  Pour les personnes travaillant en maraîchage et à l’atelier avicole, le fait d’être en plein-air, de travailler au rythme des saisons et avec un minimum de stress sont autant de facteurs de mieux-être.

Située dans la commune de St-Marcel (Morbihan), la ferme de l’ESAT a évolué depuis la fondation de l’association les Hardys-Béhélec en 1983. Aujourd’hui certifiée en Agriculture Biologique, la ferme développe des activités ouvertes vers l’extérieur de l’ESAT tout en cherchant à contribuer au mieux-être des travailleurs et en adoptant des pratiques davantage respectueuses de l’environnement.

L’orientation agricole de l’ESAT des Hardys-Béhélec

La vocation première de l’ESAT est de contribuer à la réinsertion sociale et professionnelle de personnes en situation de handicap psychique.  Dès sa fondation, l’association les Hardys-Béhélec prend une orientation agricole qu’elle a conservée jusqu’à aujourd’hui grâce à l’ESAT. En effet, parmi les six ateliers l’établissement, deux sont agricoles : l’atelier de maraîchage et l’atelier d’aviculture et polyculture. Aujourd’hui, ce sont soixante personnes qui travaillent à l’ESAT, accompagnées de neuf encadrants techniques. L’atelier maraîchage propose une quarantaine de variétés de légumes, produits sur une surface utile de 2 hectares en plein champ et 2500 m² de serres. Le reste des terres est dédié aux grandes cultures de vente sur 30 hectares et à l’atelier avicole, avec 12 hectares de parcs dont 8 sont arborés de pommiers à cidre.

L’humain au centre

Telle est la devise des Hardys-Béhélec, capitale pour Marc Raynal, coordinateur technique de l’ESAT. En effet, l’objectif premier de la structure est de veiller à la santé mentale des personnes qui leur sont confiées. L’atmosphère paisible du site, l’organisation des ateliers et la disponibilité des encadrants permettent aux personnes de s’investir sereinement dans leur travail. « Ce qu’on leur demande, ce n’est pas un rythme dans le travail, c’est une bonne qualité de travail » précise Jean-Pierre Mounier, le responsable de l’atelier avicole. Ainsi, chaque matin les travailleurs peuvent prendre le temps de se confier aux encadrants. Karine Morice, travailleuse à l’atelier avicole, témoigne que cela « n’enlève pas les soucis, mais les apaise » et permet ainsi d’être mieux disposé pour commencer la journée.

Afin de prendre soin de la santé des travailleurs, les activités sont adaptées à chacun. A l’atelier maraîchage, où les tâches peuvent parfois être pénibles, il s’agit de « simplifier au maximum le travail et de ne pas s’en créer » atteste Marc Raynal. Cela se concrétise notamment  par le paillage ou bâchage de planches de culture pour éviter trop de désherbage manuel et ainsi réduire la pénibilité et le temps de travail. Par ailleurs, un centre de conditionnement d’œufs a été créé pour que des personnes sujettes à la fatigue physique puissent y travailler, la répétitivité des tâches étant aussi un cadre rassurant pour certaines personnes.

Un cadre de travail qui soigne

Les divers ateliers sont conçus de façon à offrir un cadre de travail propice à la réintégration dans la vie en société. Marc Raynal explique que « les lieux et la façon dont sont organisées les activités sont soignants ». Le maraîchage et l’atelier avicole sont des travaux manuels ancrés dans la réalité des saisons, ce qui contribue au bien-être des personnes. En effet, pour Karine Morel qui travaille à l’atelier maraîchage, c’est un plaisir de voir les légumes évoluer de la plantation jusqu’à la récolte et une satisfaction de pouvoir les vendre. Selon elle, être en plein-air est un « environnement de travail privilégié », favorable à une meilleure qualité relationnelle avec ses collègues et qui permet d’être  « mieux en phase avec soi-même ». Travailler avec du vivant confère également une certaine responsabilité, valorisante pour les travailleurs.

Le choix de la conversion à l’Agriculture Biologique

Depuis les années 2000, le système agricole de l’ESAT évolue. Un premier bâtiment a été équipé d’un parc à poules en 2003 pour produire des œufs « plein-air », suivi du second bâtiment en 2009. Dans cette même démarche, l’atelier de maraîchage a achevé sa conversion à l’Agriculture Biologique en 2013. « L’ensemble des productions vont devenir bio dès cette année » déclare Jean-Pierre Mounier, la conversion de l’atelier avicole et des cultures ayant été initiée en 2017. Cette labellisation est le fruit d’une volonté commune, partagée par les encadrants et travailleurs, d’améliorer les pratiques agricoles afin qu’elles soient davantage respectueuses de l’environnement et de la santé humaine. Bien sûr, comme toute entreprise, l’établissement n’échappe pas à la réalité économique. Si l’accompagnement médico-social des travailleurs est subventionné par l’Etat, les ateliers de l’ESAT doivent quant à eux être autonomes financièrement. Ainsi, la conversion à l’Agriculture Biologique a certes nécessité des investissements, mais a aussi engendré une nouvelle dynamique économique.  D’une part, les aménagements des poulaillers ont été réalisés au sein de l’établissement grâce à l’atelier bois et métallerie, impulsant un nouvel élan pour cet atelier qui voit ses ventes augmenter en dehors de l’ESAT. « Ce qu’on vend, c’est ce qu’on utilise » affirme Marc Raynal à propos des séparations des poulaillers et des perchoirs à volailles. D’autre part, la valeur ajoutée des œufs a augmenté grâce à la labellisation en bio, une partie des œufs étant triée et conditionnée à l’établissement pour permettre leur vente à la ferme. Ainsi, Jean-Pierre Mounier considère l’atelier avicole comme l’un des ateliers moteurs de l’ESAT, puisqu’il génère la majorité de son résultat.

S’ouvrir vers l’extérieur

L’établissement s’ouvre sur l’extérieur, notamment à l’occasion de la vente des produits issus du maraîchage. En effet, celle-ci se fait essentiellement en vente directe au magasin de la ferme, sur les marchés de Malestroit et Ploërmel ou par la livraison de paniers légumes à Vannes. Ce contact avec le client, c’est ce qui aide Karine Morel à reprendre confiance en elle. En étant confrontées au monde extérieur, les personnes ne sont plus identifiées selon leur handicap mais comme des professionnels. Cette ouverture se vit aussi à l’atelier Espaces Verts – qui propose ses services d’entretien à plus de 80 particuliers, entreprises et collectivités – et à l’atelier de restauration, qui livre 320 repas journaliers répartis entre les écoles et  la maison de retraite de Malestroit et le restaurant de l’ESAT. Enfin, les travailleurs auront une nouvelle occasion d’accueillir du public sur la ferme puisqu’est mise en place cette année une activité de libre cueillette de fruits rouges

 

https://associationhommesdeterre.wordpress.com/

Article publié par Réseau Laudato Si' • Publié le Jeudi 06 juin 2019 - 16h08 • 455 visites

keyboard_arrow_up