ECOLOGIE ET FOI CHRETIENNE
par Fabien Revol *
La crise écologique actuelle est une manifestation d’une crise beaucoup plus profonde. Le pape François dans l’encyclique Laudato si’, nous dit que le fondement est dans le cœur de l’homme, et qui se manifeste sous diverses figures, par une crise économique, une crise politique, de bioéthique, de la famille et une crise écologique. S’il y a crise écologique, c’est qu’il y a un problème chez l’être humain, fondamental, qui est dans sa relation avec le milieu naturel dans lequel il vit. Il s’agit d’arriver à comprendre quel est ce problème.
Quel est ce problème de relation entre l’être humain et son environnement ?
1°) considérer l’être humain comme un être de production et de consommation de biens matériels. La technoscience et l’économie sont là pour réaliser ce programme, en sachant que dans ce projet, le bonheur est d’accéder à cette consommation de biens matériels.
2°) considérer la nature comme un stock de ressources disponibles à notre usage, à exploiter c’est-à-dire à en tirer de l’argent, donc de la valeur économique.
La crise écologique actuelle n’est que le reflet de ces problèmes fondamentalement philosophiques, et même spirituels, qui régissent le coeur de l’être humain et l’organisation de notre société occidentale moderne.
Il existe actuellement un certain sursaut écologique ?
Il y a un sursaut écologique car l’être humain se rend compte qu’il est imbriqué dans des réseaux d’interdépendance ; Nous prenons conscience de ces interdépendances, que les milieux dans lesquels nous vivons ont été dégradés par les actions humaines, sous prétexte de performance économiques et que ceci nous met en péril.
On parle beaucoup de l’homme-sommet de la Création. Mais n’est-ce pas une vision en peu trop anthropocentrique ?
Il y a une façon chrétienne de penser la place de l’être humain dans la Création : l’homme a bien une dignité suréminente, mais qui s’exprime en particulier dans le service de la Création et du projet créateur. La meilleure façon de comprendre ce qu’est la « domination de la Création » (Gn 1-24,28), c’est de considérer la personne de Jésus lui-même en tant que Seigneur et Roi dans le chapitre 13 de l’évangile de Jean : Le lavement des pieds.
Jésus lui-même est Roi et serviteur et il nous revient de « dominer » la Création comme Jésus, pour faire advenir son Royaume, qui concerne toute la Création (Gn 1) et pas uniquement l’organisation humaine.
La protection de l’environnement et notre foi sont donc intimement liés ?
Quand on est chrétien, on devrait découvrir notre vocation de GARDIENS de la Création (Gn 2,15). Dieu est donc uni, non seulement à la nature humaine, mais aussi à ce qui constitue toute créature. Dans l’esprit franciscain, toute la Création se trouve sanctifiée par l’Incarnation. Aux yeux de Dieu, la Création a une valeur que nous n’imaginons pas et nous avons besoin pour cela de rentrer dans le regard même de Dieu sur les créatures.
Et Paul au chapitre 8 de l’épitre aux Romains (versets 18 à 22) dit que la Création toute entière aspire à entrer elle-même dans la libération et la gloire des enfants de Dieu, c’est-à-dire à participer à la vie divine, à la Résurrection et à se réaliser en une « Création nouvelle ».
On ne peut donc pas traiter la Création et les créatures de manière anodine ou superficielle, car toute la Création porte en elle une promesse d’éternité (« destination eschatologique »)…
C’est ce changement de regard que nous chrétiens, sommes invités à avoir sur les créatures, entrer dans le regard de Dieu, pour découvrir la valeur que la Création a pour Lui et donc entrer dans cet esprit de service, de respect.
L’église s’est pourtant tenue longtemps un peu à l’écart de toutes ces questions d’écologie, voire avec un œil méfiant… Comment l’expliquer ?
Le courant écologiste a pris majoritairement une orientation libertaire, fondée sur une véritable autonomie de l’être humain dans sa capacité à orienter sa vie, à être l’auteur de sa vie, voire de son être, à considérer le concept de dignité de l’être humain par exemple avec un regard totalement différent de celui des chrétiens. Les chrétiens ont perçu ou perçoivent pour beaucoup encore, l’écologisme comme une idéologie antihumaniste et antichrétienne. Quand l’écologie est idéologisée, c’est un vrai problème. Quand l’écologie est mise à son niveau, comme l’étude des relations des êtres vivants entr’eux et avec leur milieu, il n’y a pas de malentendu idéologique à ce niveau-là.
Ce qu’a fait notamment le pape dans Laudato si’ a permis à l’église catholique de changer de positionnement et à de nombreux représentants protestants de se reconnaître dans Laudato si’. En dépolitisant et désidéologisant l’écologie, on en fait un problème universel qui touche tout être humain, on en fait un domaine de la pensée mais aussi de l’existence qui est intimement lié à la Révélation chrétienne. Cette encyclique a eu un très gros impact en 2015 et nous en vivons aujourd’hui les fruits, par l’intégration progressive du problème écologique au plus profond des structures ecclésiales et dans ses institutions.
*Fabien REVOL | Administrateur du Centre Interdisciplinaire d’Ethique
Co-Responsable du pôle « Développement Intégral, Ecologie, Ethique » de l’UR « Confluence Sciences et Humanités »
Enseignant Chercheur-Université catholique de LYON
– sur PHARE FM LYON – Septembre 2020
Pour écouter entièrement :
https://pharefm.com/?post_type=post&p=72827
Voir l'intégralité du texte ci-dessous (retranscription : Bernadette Hautcoeur)