Quel plus beau symbole de la simplicité que la naissance de Jésus-Christ, le Verbe fait chair, une nuit d’hiver dans une étable à Bethléem ? En ces temps d'inquiétudes sur les ressources énergétiques, la baisse du pouvoir d'achat, la guerre à nos portes... si nous transformions les contraintes subies en autolimitations choisies ? Et si nous en profitions pour non seulement revenir au message clé de la Nativité – l’incarnation de Dieu en nous – mais aussi accomplir un pas vers la sobriété joyeuse ?
Qu’on le veuille ou non, la sobriété est la seule alternative crédible à ce système productiviste et consumériste globalisé qui épuise et donne la fièvre à la Terre par sa démesure. Dans son inspirante encyclique Laudato si’, le pape François en fait l’éloge comme un nouveau mode de vie « prophétique et contemplatif, capable d’aider à apprécier profondément les choses sans être obsédé par la consommation ». La sobriété n’a pas bonne presse. Il est temps cependant de la regarder avec des yeux neufs. Loin d’être une régression, elle est une valeur dynamique promotrice de qualité d’être et de vie. Et si le moins de biens, de shopping, de voyages ou de sports d’hiver était une chance pour plus de liens, de temps pour soi et pour les autres, d’intériorité et de spiritualité ?
Le pape François décrit la sobriété comme la « capacité de jouir et de vivre intensément avec peu ». Rien à voir donc avec l’abstinence, qui revient à nier la bonté des choses créées. La sobriété n’est pas une privation, mais une libération. . Et si, dans nos bonnes résolutions pour 2023 , nous décidions de diminuer nos appétits, nos pulsions d’achat et nos besoins de possession afin d’accorder aux autres créatures – humaines et non humaines – ainsi qu’aux générations futures l’espace nécessaire pour qu’elles puissent vivre et se développer, satisfaire leurs besoins et exercer leurs droits ?
« La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu. C’est un retour à la simplicité qui nous permet de nous arrêter pour apprécier ce qui est petit, pour remercier des possibilités que la vie offre, sans nous attacher à ce que nous avons, ni nous attrister de ce que nous ne possédons pas. Cela suppose d’éviter la dynamique de la domination et de la simple accumulation de plaisirs. » (Laudato Si’ – n° 222)
Avec la conversion écologique à laquelle nous sommes appelés en ce temps de l’Église du XXIème siècle, une autre piste est ouverte. En consommant trop, non seulement nous sommes moins attentifs au partage des biens entre tous, mais nous abîmons la nature qui nous a été confiée, comme une mère ou comme une sœur, pour que nous prenions soin d’elle ; c’est elle qui nous nourrit et qui, par sa beauté, nous oriente aussi vers la contemplation du Créateur. « Si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination. » (Laudato Si’ n°11)
Si le Fils de Dieu vient à nous dans une étable, entouré par de pauvres gens, c’est pour que nous admirions mieux l’abaissement de Roi du Ciel, qui ne s’invite pas dans un palais somptueux, mais rejoint les plus petits.
Pourquoi rencontrons-nous aujourd’hui, des hommes et des femmes qui, sans se référer au Christ, mais prenant la mesure de la folie collective dans laquelle nous nous sommes engagés, choisissent de prendre des distances vis à vis de la surconsommation et trouvent des chemins de vie plus simple ? Ne seraient-ils pas de ceux qui nous désignent du doigt l’étoile de Noël ? Qu’ensemble nous puissions nous poser ces questions, ne serait pas sans utilité.
Extraits d'articles parus dans le magazine "Tout est lié" par Mgr Jean-Marc Eychenne, évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix et Michel Maxime Egger, écothéologien orthodoxe.